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Question à… Stéphane Clerget psychiatre spécialiste des adolescents (1) Ados et tatouage :discutez-en, le sujet n’est pas tabou

Notre fils, âgé de 15 ans, nous a annoncé qu’il voulait se faire tatouer un dessin à la mode sur l’épaule, et nous demande notre autorisation. Nous sommes plutôt contre, d’autant qu’il semble influencé par une amie. Comment en parler avec lui ? Comment réagir ?

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Votre fils a raison de vous en parler, puisqu’un mineur ne peut se faire tatouer sans le consentement écrit de ses parents. Mais rien ne vous oblige à donner votre accord. Aidez-le à réfléchir à ses motivations réelles. Pourquoi veut-il se faire tatouer ? Pour ressembler à qui ? Pourquoi tel dessin ? Pourquoi sur l’épaule ? Ouvrez la discussion. Et dites-lui les raisons pour lesquelles vous êtes réticents. En plus de différer la décision, ces échanges permettront de prendre toute la mesure d’un tatouage permanent, et de comprendre les besoins nouveaux qui s’expriment là. Il ne s’agit pas de balayer la question par un refus, sans engager le dialogue. Au contraire, donnez de l’importance à sa demande pour que cela fasse sens.

À 15 ans, un adolescent atteint une certaine majorité corporelle. Cette envie de se faire tatouer fait partie d’un processus d’émancipation vis-à-vis de ses parents. Il a besoin de s’approprier son corps, de le marquer, de le différencier. En se singularisant, il dit « c’est mon corps, plus le vôtre, j’en fais ce que je veux. » Il dit aussi son besoin d’être reconnu désormais « grand ».

Ne manquez pas de lui dire que le risque d’infection est toujours possible. Et qu’il est nécessaire de s’informer des conditions d’hygiène dans lesquelles l’opération est pratiquée. Il existe, par ailleurs, un risque psychique. Chez certains ados, l’envie de se faire tatouer est révélatrice d’un mal-être, d’un rejet de leur corps. Ils réclament plus tard d’autres tatouages, et ne sont jamais satisfaits par leur apparence. Les parents doivent avoir conscience de ce risque et rester vigilants.

Il n’y a jamais d’urgence à se faire tatouer. Expliquez à votre fils qu’un délai de réflexion est nécessaire, ce ne doit pas être un acte impulsif. Les adolescents n’attendent pas forcément le refus de leurs parents pour changer d’avis. La peur de l’aiguille, le caractère définitif peut les faire renoncer. S’il insiste, vous pouvez lui proposer des interventions sur son apparence qui ne laissent pas de traces définitives : vêtements, coiffure, tatouages provisoires qui tiennent plusieurs mois.

Propos recueillis par Alexie Valois

(1) Auteur de « Adolescence, la crise nécessaire », aux Éditions Pluriel, et du « Guide de l’ado à l’usage des parents », aux Éditions Calmann-Lévy.

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